Hyères, des hivernants au tourisme balnéaire…
La douceur du climat hyérois, une histoire ancienne…
« Hyères le pays où fleurit l’oranger… »
Hyères, une des villes les plus méridionale de France, a toujours été connue et reconnue pour la douceur de son climat propice à la variété et à l’ « exotisme» de sa végétation en particulier l’oranger.
Dejà de passage à Hyères en 1564, cette végétation émerveille Catherine de Médicis qui souhaite y faire construire une maison mais surtout un jardin exotique avec des orangers. Projet abandonné pour cause de guerre de religion!
Puis en 1660, Louis XIV fait planter à Hyères, à l’emplacement du Parc Hôtel et de l’actuel Office du tourisme, une pépinière d’orangers pour approvisionner les orangeries des Tuilerie et de Versailles.
Dès 1775, un médecin genevois le Docteur Deluc, met Hyères en avant comme « le jardin d’hiver de la France » pour y trouver « quelques adoucissements aux maux les plus divers au cœur d’une saison rigoureuse ».
Le mythe de la Provence-jardin était né…
Le « Grand Tour » et la phtisie romantique
Deux motivations des voyageurs ont contribués à promouvoir Hyères comme « a place to be » au XVIIIème siècle.
D’une part, l’aristocratie anglaise et son gout des voyages: « Le grand tour » cette pratique émerge au XVIème siècle pour culminer au XVIIIème.
Il s’agit d’un voyage éducatif à destination des jeunes issus des plus hautes classes de l’aristocratie.
La découverte de la Méditerranée est un éblouissement pour ces voyageurs pour qui elle est perçue comme édénique de par son climat, sa lumière, l’exubérance de sa flore.
D’autre part, vient le temps de la villégiature associée à une motivation d’ordre médical:
Ainsi dans la continuité du Docteur Deluc, d’autres sommités médicales anglo-saxonnes mettent l’accent sur les bienfaits des séjours à Hyères pour la santé.
En effet, à l’époque romantique, l’hivernage est lié aux soins de la phtisie pulmonaire (tuberculose), la maladie romantique par excellence…
Celle-ci était censé céder à la douceur de la température, à la sécheresse de l’air et aux parfums et décoctions d’espèces végétales « exotiques »..
Ainsi, passer l’hiver dans le Midi afin de bénéficier de la douceur du climat devient un incontournable de la haute société anglaise.
Enfin une dernière motivation a favorisé Hyères par rapport à ses « rivales » de Cannes et Nice : l’état des routes entre Calais et le midi… Aller à Nice après un voyage déjà long et périlleux décourageait grand nombre d’hivernants et Hyères était alors une destination toute trouvée.
La naissance de la villégiature
A partir de 1815, après la Révolution et l’Empire, les anglais reviennent nombreux à Hyères..
Au-delà du seul aspect sanitaire ou culturel, se développe une villégiature d’hiver tournée vers la plaisance et le voyage d’agrément.
Alors, les hivernants séjournaient dans des villas meublées, chez l’habitant et/ou dans les hôtels de type pensions de famille.
La construction en 1850 du « Grand Hôtel des îles d’or » marque une rupture en se positionnant comme « immeuble palais » à la « manière Suisse ». Le magnifique jardin au milieu duquel il est construit participe de sa magnificence.
En 1892, Hyères connait la consécration avec le séjour à Costebelle de la Reine Victoria qui y résidât… un mois!
Hyères au XIXème: de la bastide provençale à la villa sur la Côte.
Alexis Godillot, l’Hausmann hyèrois
C »est donc au XIXème siècle que Hyères connaît vraiment un expansion liée au tourisme d’hiver grâce d’une part à l’arrivée du chemin de fer et d’autre part à l’implication d’Alexis Godillot.
Ce dernier, d’origine modeste, fit fortune sous Napoléon III dont il était un fidèle partisans.
Par son ingéniosité et sa réactivité, Il s’imposât comme fournisseur des armées en chaussures militaires (les fameux godillots) : pour la première fois les soldats avaient à lors disposition des chaussures qui différenciait le pied droit du pied gauche !.
Alexis Godillot découvre Hyères à la fin du XIXème : « Il me semblât avoir trouvé la guerre promise » et décide de transformer la ville. Grâce à son énorme fortune il devient le propriétaire foncier le plus important de la commune.
Afin de fidéliser les riches hivernants, Alexis Godillot entreprend de transformer la ville en imposant un nouveau style architectural et urbain .
A l’imitation du préfet Hausmann, il trace de nouvelles rues et avenues de grande ampleur et décorées de palmiers et de mobilier urbain (fontaines issues de la fonderie dont il est actionnaire). L’architecte Pierre Chapoulard a été le maitre d’œuvre de cette transformation.
Hyères transformé
De somptueuses villas sont construites au milieu de beaux parcs à l’exemple de la maison d’A. Godillot, la villa Saint Hubert, qui domine à l’époque un vaste domaine.
A l’origine, Godillot voulait y construire un château avec vue sur mer mais seul les écuries et le manège, destinés à son fils, ont été réalisés
Séduit par ce dynamisme, l’investissement anglais constitue un moteur pour la construction de nouveaux hôtels: la ville compte en 1878, 20 hôtels et pensions, en 1913, 32 hôtel et plus de 5000 chambres.
Ces investisseurs lancent la construction des hôtels de Costebelle et du Grand Hôtel des Palmiers (actuellement lycée Jean Aicard) au « cœur du quartier anglais ».
Les hibernants britanniques peuvent y trouver un vice-consulat, une église anglicane, une english bank, une librairie anglaise et même un collège anglais
Les villas sont construites, soit par de riches hivernants comme « résidence secondaire », soit par des promoteurs dans un but de location de villégiature, « Airbnb » avant l’heure.
Dans cet objectif, les villas sont conçues pour répondre à cette clientèle et l’accent est mis sur le confort et la modernité.
L’hippodrome, équipement de loisir du mode de vie aristocratique, est construit en 1862.
Néanmoins, il fallut attendre 1901 pour que le Grand Casino, « indispensable » à cette clientèle huppée, soit réalisé.
Avec l’ouverture du bâtiment des Dames de France, Hyères achève sa transformation en ville du second empire en…1907.
Le XXème siècle : vers le tourisme de masse
Haut lieu de l’avant garde artistique
La fin des hivernants
La guerre de 1914-1918 avec ses grands hôtels transformés en hôpitaux et la crise de 1929 entrainent la fin du tourisme hivernal.
Les touristes anglais sont remplacés par les artistes peintres et écrivains attirés par la lumière et la douceur de vivre du Sud de la France.
Pourtant durant les années folles, Hyères est au centre d’une vie culturelle active.
Rudyard Kipling en 1921, Scold Fitzgerald en 1924, David Lawrence en 1928 séjournent à Hyères.
La romancière américaine Edith Wharton résida à Hyères au castel Sainte-Claire de 1920 jusqu’à sa mort en 1937.
L’arrivée des artistes
Mais c’est l’influence de la comtesse Marie-Laure et Charles de Noailles qui a été déterminante pour attirer à Hyères l’avant garde culturelle et artistique des années folles.
Ces mécènes font construire à Hyères leur résidence d’été sur les hauteurs de Hyères au début des années 20.
Il font appel à un architecte alors figure montante du style moderniste: Robert Mallet Stevens.
Dans la conception de la villa des Noailles, Mallet Stevens va mettre en œuvre les principes de l’architecture moderne dans la recherche de la luminosité maximale.
Les Noailles souhaitaient une « maison, intéressante à habiter, infiniment pratique et simple où chaque chose sera combinée au seul point de vue de l’utilité »
La maison de 1800m2 comprend jusqu’à 15 chambres afin de loger leurs amis.
Chaque chambre est équipée d’une salle de bain, d’un dressing et du téléphone! Bien sur toute la maison est équipée du chauffage central. .
L’aménagement répond également à leur amour de l’avant garde. Le mobilier est signé Mallet -Stevens mais également Charlotte Perriand.
Chaque pièce est décorée d’œuvres de Mondrian, Brancusi, Giacometti, Braque…
Le jardin est également un chef d’œuvre de modernité créé par Gabriel Guévrekian mêlant jardin méditerranéen et cubisme.
Dans cette somptueuse demeure Charles et Marie-Laure reçoivent les artistes qu’ils soutiennent: Giacometti, Cocteau, Bunuel, Dali, Man Ray…
Le tourisme balnéaire.
La fin du tourisme d’hiver à Hyères est lié à la crise de 1929 et ses conséquences néfastes sur les élites rentières.
Parallèlement l‘attrait estivale des bains de mer commence à emmerger ainsi que la pratique élitiste du naturisme avec la création en 1933 du premier village naturiste à l’Ile du Levant.
Même si l’année 1936 est l’année mythique des congés payés avec l’accès aux vacances pour tous, le développement du tourisme de masse n’a été effectif qu’après la guerre, surtout à partir des années 1960.
Mais ceci est une autre histoire…